
Les historiens du futur
Exposition personnelle au Site archéologique Lattara – musée Henri Prades
25 janvier – 30 juin 2025
Musée Henri Prades – Site archéologique Lattara
390 Rte de Pérols, 34970 Lattes
Texte: Rahmouna Boutayeb
Photographies: Marc Domage
En partenariat avec MO.CO Montpellier contemporain, et avec le soutien du Port Des Créateurs, de l’ésadtpm et de la galerie Les filles du calvaire.
Inviter Léo Fourdrinier à exposer au Site archéologique Lattara – Musée Henri Prades, c’est lui offrir le terrain de jeu rêvé pour déployer son travail. L’artiste met au cœur de sa pratique le dialogue entre passé, présent et futur afin d’éclairer notre perception des réalités contemporaines et à venir. Dans un aller-retour permanent entre réalité, science et fiction, il n’a de cesse, au fil de ses projets, de nourrir et stimuler nos imaginaires.
La poésie, la philosophie, le théâtre, la littérature sont des influences majeures de l’artiste. Le titre de l’exposition « Les historiens du futur » trouve d’ailleurs son origine dans un passage de « Ma pauvre chambre de l’imagination », recueil de textes de Tadeusz Kantor metteur en scène, scénographe, auteur et artiste parmi les plus grands théoriciens du théâtre du 20e siècle. Dans l’exposition, nous retrouvons également ce goût de la mise en scène acquis lors de sa formation au Conservatoire des Arts Dramatiques de Nîmes. Il forge aussi son répertoire formel et fragmentaire en écoles d’art et continue de se nourrir aujourd’hui à travers sa passion pour l’histoire de l’art, la science et l’archéologie.
Ses sculptures et installations se définissent à travers ses matériaux de prédilection : néons, objets manufacturés et fragments récupérés, collectés, chinés, productions de céramiques et de moulages en plâtre et véhicules qu’il assemble. Il opère par déconstructions, ajouts, déplacements, multiplications d’assemblages qui mènent à une évolution inattendue des formes.
L’exposition est une fiction où des êtres augmentés, hybridation de l’humain et de l’intelligence artificielle, deviennent la seule issue à la survie de l’humanité face à un développement effréné et un épuisement des ressources. La mémoire et les savoirs y sont devenus indispensables et se substituent à l’eau, disparue presque totalement de la surface de la terre. L’Histoire devient une ressource vitale pour le fonctionnement biologique de l’organisme humain, qui, doté de nouvelles capacités, recycle et transforme les informations en énergie vitale et mentale. Léo Fourdrinier nous plonge dans un scénario digne d’un film d’anticipation qui mettrait en situation le transhumanisme, mouvement selon lequel les progrès de la biologie et de l’intelligence artificielle permettront de transformer ou dépasser l’homme pour créer un post-humain, ou un transhumain, aux capacités supérieures à celles des êtres actuels.
Dès le parvis du musée, le visiteur découvre Vénus, sculpture en référence à la déesse de l’amour et de la beauté. Une moto détournée dont le carénage est sculpté dans du marbre de carrare, cabrée vers l’avant, rejoue la figure du soleil, bien connue des motards. C’est ici un mode de transport symbole de la technologie, du déplacement des corps et de la vélocité. C’est aussi la personnification romantique de la balade amoureuse. Quinze historiens du futur rythme le parcours, afférés dans leurs tâches de récupération de la mémoire des artefacts et objets, d’absorption des histoires et savoirs transmis et conservés par le musée.
Empruntant les rampes d’accès vers les collections, un historien du futur accueille le visiteur, assis, haut perché, semblant faire le guet. Un second, au dernière étage, observe et coordonne les autres historiens. Chaque historien est camouflé dans des vêtements de motard, paré d’objets en céramique, de moulages et de casques réhaussés de néons à la brillance stellaire, reflet de l’énergie ingurgitée. Ces Cyborgs, mi-humain, mi-robot, à l’esthétique cyberpunk, pourraient être tout droit sortie du film « Mad Max » où encore du film d’animation « Ghost in the Shell ».
Une œuvre néon « The limits of the Earth at the end of Paradise » [Les limites de la Terre à la fin du Paradis] capte notre attention. Cet énoncé règne au-dessus des historiens et des vitrines du musée, tel un présage. Mention au dieu Janus, placée en haut de l’échafaudage, elle connecte l’espace terrestre et l’espace cosmique et apporte aux œuvres une narration romanesque, en écho aux récits mythologiques du musée. Dieu romain des portes et des choix, il est représenté avec deux visages opposés : l’un tourné vers le passé, l’autre vers l’avenir. L’exposition invite à observer les collections du musée dans un jeu de déplacement du corps et du regard sur les objets présentés et d’entrer dans conversation indicible et inattendue avec les historiens du futur.
Léo Fourdrinier nous livre ici un projet inédit et incarné, qui révèle toute l’attention qu’il a apporté à observer, fouiller, questionner et analyser l’histoire de Lattara et de ses objets. Nourri de ses riches échanges avec Diane Dusseaux, directrice et conservatrice, ainsi que l’équipe du musée, il nous révèle l’importance de la transmission des connaissances et de la mémoire. Traversé par une longue histoire de la sculpture, il en repousse les limites et vient perturber notre rapport au réel en nous plongeant dans sa fiction, pour faire de nous des historiens du présent.
Texte complet (FR)
Full text (ENG)
Entretien avec Diane Dusseaux (FR)
Interview with Diane Dusseaux (ENG)

























