Le surgissement de l’intelligence artificielle dans nos routines quotidiennes est un événement probablement sans précédent dans l’histoire moderne de nos sociétés. La fulgurance de ses déclinaisons pratiques, depuis la gestion des transports, l’optimisation de l’agriculture, la génération d’images, de textes et de musiques jusqu’à la synthèse et l’imitation de textes littéraires -cette infinité d’applications des plus dérisoires aux plus déroutantes- nous fascine et nous déroute chaque jour davantage.
Comme une vague qui n’en finit pas de grossir, toutes les interactions avec le monde que nous habitons semblent désormais pouvoir passer par le filtre de ces réseaux de neurones qui accélèrent notre vie, étendent nos perceptions, se substituent à notre mémoire, déterminent nos goûts futurs et censurent nos propos dans les «places publiques» que sont les réseaux sociaux. L’IA est devenu notre inconscient et notre surmoi. Presque innocemment, les téléphones que nous collons contre nos corps nous connaissent, désormais, mieux que quiconque et surtout, mieux que nous-mêmes.
Cette révolution a pour conséquence de déposséder les artistes du geste créateur. Quand les images les plus surréalistes peuvent être créées instantanément, que des albums entiers ou des courts-métrages se générent en quelques clics, c’est bien notre perception de l’ « acte créateur » lui-même qui est remis en question. Qui crée finalement? Celui qui écrit quelques lignes de prompt, ou l’algorithme qui y répond?